vendredi 4 janvier 2013

Habitat fleuri






Au cas où d'autres ermites se seraient reconnus dans mon précédent billet, et dont le sommeil de la Saint-Sylvestre fut interrompu sur les coups de minuit par les explosions de joie du voisinage, voici un compromis entre l'ermitage sauvage et la vie au sein de la civilisation.
Il s'agit de la maison clou. 
Cette appellation chinoise pourrait vanter l'habitat dispersé, mais dans l'esprit des autorités de l'Empire du milieu, c'est tout le contraire. Pour ce gouvernement, les maisons clous sont de grosses épines dans le pied, d'autant que certains propriétaires poussent le vice jusqu'à opposer au pouvoir une ferme résistance. Déjà, en amont des Jeux Olympiques de Pékin, des quartiers entiers ont été évacués à grands coups d'expropriations et de pelleteuses, parfois même dans un autre ordre que celui énoncé. Quelques farouches propriétaires tentèrent de lutter pour que leurs nids douillets soient préservés, là où justement devait être construit "le nid", stade olympique, fruit mégalomaniaque d'un régime hégémonique. Si l'opposition fut symboliquement autorisée dans ces premiers moments, elle fut vite matée. Un sacrifice patrimonial opéré sur l'autel de l'esprit olympique, à tel point que j'ai intégralement boycotté les retransmissions des épreuves et leur suivi, moi qui, en 2000, avait pris mes vacances en septembre pour ne pas rater une miette de l'olympiade australienne! Une goutte d'eau dans le Yang-Tsé-Kiang. Malgré de réels mouvements de contestation, j'attends encore le soutien des manifestations d'(alter)(anti)-mondialistes, certes actuellement monopolisés par un projet d'aéroport. En revanche, s'il en est un qui n'attend plus de soutien, c'est bien Luo Baogen, cet éleveur de canard de 67 ans (lui, pas les canards) et heureux propriétaire d'une maison dans la ville de Wengling, à l'Est de la Chine. Heureux, jusqu'à ce qu'il apprenne que sa maison, comme beaucoup d'autres, était située en plein sur le futur tracé d'une autoroute. Tour à tour, ses voisins acceptèrent l'indemnité gouvernementale d'expropriation, bien que très en deça des crédits en cours. Luo fut rapidement l'unique opposant à toujours occuper sa maison qui devint le symbole de la résistance à cette politique d'expropriation mécanique. Au point même que le bâtiment ne devienne l'illustration parfaite de l'appellation "maison clou".
Mais finalement, au terme de quatre années de lutte, Luo cessa de lutter, ne supportant plus la médiatisation permanente autour de son bien. Un ex-homme politique français dont le domicile new-yorkais était devenu le siège des journalistes dira que ça devient vite agaçant. Alors les quatre années (autant qu'un intervalle olympique) durant lesquelles Luo lutta seul avec son épouse, font d'eux de véritables héros. 




Quand j'entends par ici maugréer des candidats écartés suite au choix de la commission municipale en charge de décorer les résidents de maisons elles aussi décorées, de fleurs en été et de guirlandes électriques en hiver (y compris dans des communes qui coupent l'éclairage public après 22 heures 30, manifestement donc plus dans un soucis d'économies municipales que dans un esprit de développement durable), je pense donc à Luo, qui lui, aimerait tant être battu lors du concours des maisons décorées.
Il m'arrive aussi de penser à Casper le fantôme, dont la maison est délicate à fleurir....



Et aux rois de l'épicerie de la guirlande scintillante ou du géranium lierre, mécontents de ne pas être érigés au rang de Le Nôtre local, je leurs dis tout simplement: Booh!

1 commentaire:

  1. Ce Monsieur fait bien des chinoiseries devant le progrès de la civilisation en marche...

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