jeudi 2 mai 2013

"Au Revoir !"





2,5 kilogrammes.

C'est peu pour un nouveau né.
C'est énorme lorsqu'il s'agit d'une perte de poids hebdomadaire.
C'est aussi la pression qui, exercée sur la queue de détente d'un pistolet, entraîne le départ du coup.
C'est alors une frontière ténue entre la raison et l'oraison de quelqu'un qui ne voit plus l'horizon.

Puisque je me confie ici, aujourd'hui, je considère que j'ai dû faire le choix de la raison. Ou bien, je n'ai pas eu le choix, épuisé que j'étais, et n'ayant plus la force nécessaire pour effacer ces 5 livres d'un coup d'index.

Ce blog, bien que personnel, n'a, en tous cas, quasiment jamais été intime. C'était un choix quelquefois incompris. J'ai parfois suggéré mon intimité, comme en citant, le 15 janvier 2012, ce murmure, qui la veille, venait de me souffler à l'oreille, d'une voix féminine douce chaleureuse, apaisante et encourageante "Tu devrais écrire un blog..."
Ce souffle attisa les braises d'une passion que je ne croyais pas possible, au point que finalement je n'en étouffe moi même, et de manière inconsciente, l'embrasement, au lieu d'alimenter le foyer pour qu'il éclaire au plus loin, comme un immense feu de joie, comme si pour moi, le bonheur était une incongruité.

Pourquoi cette attitude iconoclaste, cette propension à l'auto-mutilation, qui en fin de compte m'amputa littéralement, me fit défaillir et sombrer au point d'imaginer ce choix le plus radical? 

Quand on sombre, on peut évidemment, par résignation, simplement se laisser s'échouer au fond, y verser le flanc et attendre que la lumière s'éteigne, dans le froid des profondeurs abyssales. A dessein, je dirais qu'on pourrait alors commenter ainsi cette triste épave: "Circulez, il n'y a rien à voir."
Etrangement, les forces que je n'avais plus pour exercer cette pression digitale, m'ont finalement permis, comme par réflexe, de donner un coup de pied au fond et de finalement regagner la surface, et ce, bien plus vite que je n'aurais pu l'imaginer, me laissant finalement m'échouer sur la plage la plus proche. Amputé,  presque exsangue et pratiquement noyé, je revenais de loin, car dans un râle je respirais encore un peu. Il m'a fallu reprendre mes esprits et quelques forces pour pouvoir me relever et me hisser en haut de cette plage, pour m'y allonger à l'ombre et reprendre mes esprits. Je ne vous cache pas qu'on m'a soutenu et porté pour traverser cette grève que je ne pouvais absolument pas franchir tout seul.
En partie ressaisi, il me fallait alors comprendre comment un Capitaine de navire comme moi avait pu si naïvement s'abîmer sur ces écueils qui faillirent lui être fatals.

Certes, j'avais déjà subi des avaries, et j'avais alors compris que malgré l'image que je donne, ma navigation n'était pas très sûre. J'ai voulu alors changer de technique, sans m'être attardé sur les raisons de mon hasardeuse navigation, alors que c'est par là qu'il aurait fallu commencer.

Désormais tout s'éclaire. Un manque de confiance chronique est finalement ce qui pouvait le mieux  me décrire. Je ne m'en suis jamais rendu compte, cette faiblesse étant maquillée par une aura professionnelle réelle, construite comme une armure, une carapace. Alors que je me sentais comme une coquille vide, celle qui devint ma bouffée d'oxygène, mon espoir, ma direction, ma muse me corrigeait en s'éloignant, m'indiquant que j'étais surtout une coquille fermée.
Le petit garçon à l'oeil brillant, sociable et gai que j'étais n'est finalement qu'un bourgeon qui n'a jamais éclos, enfermé dans le carcan d'une éducation pressante, pesante, écrasante. Pour ne rien arranger, je découvre que j'ai choisi, et contre nature finalement, une profession qui revêt les mêmes caractéristiques, au point d'ailleurs de me contraindre à user de pseudonyme pour pouvoir m'exprimer librement, comme ici, par exemple.

Je comprends mieux pourquoi j'ai toujours nourri une fascination pour celui qui illustre l'en-tête de ce billet. Même s'il est vrai qu'il n'a pas toujours été défendable il n'en reste pas moins un homme Libre qui a toujours su dire "Au Revoir" lorsqu'il voyait qu'il risquait de ne plus pouvoir être maître de ses choix s'il ne se réorientait pas. Il en a certes fait de mauvais, parfois, mais ces choix étaient simplement les siens, ceux qu'il avait voulu mener, et non pas ceux qu'il effectuait pour faire plaisir à quiconque. Quelle qu'en soit leur portée, ses propres choix sont bien plus faciles à assumer...
Cette spontanéité, je découvre aujourd'hui, que je l'ai finalement toujours réprimée, au point de me demander notamment si cet Amour puissant conviendrait à mes précepteurs, au lieu de le vivre pleinement, dans l'élan d'un simple échange généreux et pur. Ce n'est pas faute d'avoir été sollicité sur ce point.
Pire, je m'en suis presque méfié, me disant que ce n'était pas possible que cet Amour ait pu poser le regard sur moi et soit venu passer la main dans mes cheveux, pensant que je ne méritais pas ce bonheur, et c'est ainsi qu'effectivement, je l'ai perdu, ne le méritant plus en ne m'y livrant pas alors que j'en crevais d'envie.

La douleur de cet abandon, à son paroxysme, m'a arraché des flots de larmes, emprisonnées entre mes joues creusées et ce masque qu'inconsciemment je m'étais fabriqué, et qui épaississait sans cesse et sournoisement, avec le temps. Ce chagrin a fini par le décoller et le faire tomber, me permettant ainsi d'en découvrir l'épaisseur et la laideur. Drôle de mélange de sentiments, entre horreur et soulagement.






J'ai lu ce livre, qui suscita en moi un réel émoi. Je m'y suis vu, et y ai vu celle dont je n'osais imaginer qu'elle puisse devenir cette muse qu'elle fut finalement, sclérosé que j'étais. Je lui avais alors envoyé avec cette seule dédicace: "Tu comprendras". Pour la petite histoire, l'ouvrage n'est jamais arrivé. Comme moi d'ailleurs, qui ne suis jamais arrivé à réussir cet ouvrage que celui de vivre ma vie. L'ultime inspiration qu'elle me provoqua fut finalement de m'en rendre compte. En m'abandonnant, elle m'apprit que j'avais, à tort, abandonné ce garçon sociable et spontané, à l'oeil brillant et à la bouche souriante. J'étais devenu un adulte sauvage, méfiant, à l'oeil dur et à la bouche pincé. Un mâle agressif voire dépressif au lieu d'être un homme sincère et ouvert. Je me suis exagérément protégé "des gens" au prétexte qu'ainsi, je ne pourrais être qu'agréablement surpris. Il me suffisait pourtant de juste changer ma lorgnette de sens.

Elle m'avait dédicacé cette citation de Camus "Je me révolte donc je suis", en clin d'oeil à mes prises de positions enflammées contre des injustices de la société. Un combat quasi permanent, et en fin de compte usant et harassant, contre l'injustice, comme pour étouffer celle qui m'oppressait enfant, et qui insidieusement, me terrassait encore jusqu'à cette prise de conscience.
Je n'étais finalement qu'un chien battu qui aboyait en voyant le facteur.

Je n'en veux pas à mes tuteurs. Ils m'ont éduqué à leur manière, qu'ils pensaient être la meilleure. En parallèle, ils m'ont apporté la lucidité, la vivacité et l'intelligence nécessaire à cette prise de conscience. Dans pareille situation il faut reconnaître que tout le monde ne dispose pas de ces outils. Ils m'ont menotté tout en me laissant des clés pour m'en libérer. J'ai juste tardé à m'en rendre compte, à force de chercher ailleurs des exutoires me faisant oublier ces entraves.

Ils diront peut-être que je fais là ma crise de la quarantaine, d'autres diront que je fais 20 ans après, ma crise d'adolescence quand certains parleront de burn-out. Peu m'importe, comprenne qui voudra. J'ai pour la première fois l'impression de ne plus survivre, alors que vraiment je sentais ces dernières années que je m'asphyxiais au point de ne même pas pouvoir crier au secours. J'ai l'impression aujourd'hui de véritablement de commencer à vivre. Certes avec un passif, mais aussi avec une énorme motivation, pour moi, pour mes enfants, pour mon entourage, pour tous ceux dont j'aurai à croiser la route. 

C'est vrai que j'ai toujours eu des scrupules à tourner le dos à mes détracteurs, préférant les combattre de manières parfois frontales, oubliant que même en tournant le dos, je regardais malgré tout devant moi, dans la direction que je souhaitais au lieu d'être concentré sur des illustrations négatives. 
Ces combats inutiles, après m'avoir dispersé, et alors qu'ils ne nécessitaient pas forcément cette implication de ma part, ont fini par m'éreinter, d'autant que j'ai toujours agi par convention, pour en fait juste satisfaire l'écrasant jugement permanent. 
J'ai aujourd'hui pour seule envie de pouvoir être fier de moi, et non plus qu'on soit fier de moi. La nuance est énorme. J'ai envie de m'aimer pour ce que je suis, plutôt que ce que l'on m'aime pour ce que je semble être. Tout simplement m'accomplir. Pour pouvoir ainsi aimer à mon tour, sans entrave, ni clandestinité, ni stratégie, travers qui ont pu entacher des sentiments pourtant plein de sincérité, d'intensité et de pureté.

C'est pourquoi je mets en sommeil mon compte Twitter, et ce blog. 

Parce que j'ai besoin de faire mon introspection pour me reconstruire complètement, de me recentrer sur moi, pour pouvoir mieux m'ouvrir aux autres, en cessant d'être cette coquille fermée. Surtout que l'intérieur est nacré par opposition à l'extérieur terne qui est couvert d'aspérités. J'ai besoin de pouvoir m'ouvrir concrètement, humainement, et pas par le biais d'outils virtuels. 

Il faut que je défriche ce jardin secret jonché de pierres et envahi de ronces. Ce jardin secret qui suscite tant de curiosités malsaines, n'est finalement qu'une sèche jachère. Voilà de quoi répondre aux curieux et les dissuader d'y prospecter. D'ailleurs, ils n'y ont pas de légitimité.

Le 21 décembre 2012, je traitais sur ce blog, de cette "icône qui exhorta notamment de se libérer de la peur". Le pire, c'est que ma muse attendait précisément de découvrir la saveur de ce billet là, alors qu'en fait, je réalise que je n'étais moi-même pas en mesure de me libérer de ma peur dont je n'avais absolument pas conscience!

Cet ultime billet est donc plus qu'une révolte, mais bel et bien ma révolution. 
Pacifiste, sans armes ni cris ni violences. Au contraire avec une grosse dose de pardon. Celui que je demande à ceux auprès de qui j'ai exprimé une toxicité résultant de ce mal-être accumulé, et celui que j'accorde à ceux qui ont pu, d'une manière ou d'une autre me faire souffrir. Certains se retrouvent d'ailleurs dans les deux catégories.
L'important étant de ne pas céder aux cris, restés sans écho il y a 20 ans, de ne pas céder à la rage pourtant  initialement apparue avec cette rupture. La violence, peut importe la forme qu'elle revêt, doit être bannie, c'est un frein à l'évolution et forcément au bonheur. Aucun bonheur ne peut reposer sur des fondations biaisées. Si la semelle est viciée, autant mettre son énergie à tout reprendre, proprement, sans ressentiment. 

J'ai été amené à aider ma muse il y a un lustre, par pur hasard. Je n'aurais pas dû être là à ce moment là, mais j'y étais, et très consciencieusement, gratuitement, sans rien en attendre, j'ai alors fait ce qui me semblait devoir s'imposer.
Récemment, j'ai fait un rêve étrange. J'étais nu, allongé sur une table d'autopsie, installé dans la salle d'examen. Seul un drap me recouvrait alors que je savais que je n'étais pas mort. Je m'efforçais à tenter de comprendre comment un médecin pouvait avoir certifié mon décès alors que ce n'était pas le cas. J'entendais les conversations des médecins dans le couloir, sans percevoir clairement leurs propos, j'y entendais des voix familières. Je perçus seulement "Allez, on va y aller". Je savais que le premier trait de lame dans mes chairs scellerait définitivement mon sort, il me fallait donc urgemment faire quelque chose, tandis que j'entendais les scalpels être disposés sur le plateau en métal, dans ce couloir. Je me disais qu'il fallait que j'entre en communication, par tous moyens, avec celle qui pour moi, était la seule capable de percevoir mon appel et donc en mesure de m'aider. Seulement j'étais muet et paralysé. Toutefois, dans un sursaut, je parvins tout de même à décaler une jambe à l'extérieur de la table, et ainsi déséquilibré, je pus rouler sur le côté. Une fois tombé sur le sol, je pus m'adosser au pied du mur et d'une pression sur mes deux jambes, me fis glisser verticalement sur le mur carrelé. Ouf, j'étais debout, alors que des pas s'approchaient dans le couloir, accompagnés du tintement métallique des outils sur le plateau. Au prix d'un terrible effort, j'ouvris les yeux et la bouche, d'où aucun son ne sortait. C'est alors qu'entrait cette assistante, portant le plateau, marchant droit devant elle, sans même  jeter un oeil sur la table d'examen qu'elle dépassait pour atteindre la paillasse. Elle y ajouta d'autres outils sur le plateau et se retourna pour le déposer à côté de la table d'examen. C'est alors qu'elle me vit, son visage stupéfait semblait toutefois être chargé de bonheur. Cette assistante, c'était elle, celle que je tentais d'appeler. Elle s'écria "docteur!" en se précipitant dans le couloir pour chercher le praticien. Le rêve s'acheva ainsi, mais je savais qu'elle venait de me sauver.

Ce que je ne savais pas, c'est que ce rêve, d'une certaine manière, allait s'avérer être prémonitoire. En effet, cinq ans après avoir reçu mon aide, c'est elle qui m'ouvre les yeux, en m'abandonnant. Le hasard n'existe pas, dit-on. D'autant que cette déchirure intervient au moment où des proches, très chers et estimés ont besoin d'un soutien que finalement je me surprends à être en mesure de leur apporter. S'il était écrit qu'on devait s'aider mutuellement, on a donc rempli le contrat.
Pour moi, le processus d'évolution s'est véritablement  enclenché. Il a d'ailleurs entraîné une métamorphose physique spectaculaire, à l'image d'une chrysalide disgracieuse laissant s'échapper un papillon coloré. Je regrette qu'elle ne mesure peut-être jamais l'ampleur de ce qu'elle a déclenché en moi, le caractère vital de son aide, mais si c'est son choix...

Terrible dilemme, ma foi! Ce qui fait que la vie développe autant de parfums. Il parait que le premier cri du nourrisson émane du réflexe d'inspiration et de la douleur ressentie par le gonflement des poumons. Je connais donc une forme de renaissance. Dans les deux cas, cette douleur est vitale.

Il me faut désormais faire face à cette solitude et ce vide qui m'ont en vérité toujours effrayé, sans doute pour n'avoir heureusement jamais trop enfoui cette sociabilité. C'est certainement pourquoi je me suis comporté en solitaire militant, façon aussi, bien qu'artificielle, de me sentir maître de moi, indépendant. Et probablement aussi une tentative d'apprivoisement d'un danger qui m'effraye encore plus aujourd'hui. Je ne suis certes pas complètement seul, mais il y a tout de même un grand vide, vertigineux, d'autant qu'il me faut, en parallèle, digérer cet égarement personnel.


Quoi qu'il en soit je ne peux m'empêcher, avant de vous quitter, peut-être pour revenir autrement, qui sait, de vous remercier pour vos lectures, vos commentaires, et enfin, de me tourner vers le grand artisan de cette prise de conscience à qui je dis merci. 

Merci Julie à qui je souhaite bonne vie.
Really



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